Catégorie : conception

  • Comment j’ai procédé pour formuler les règles de l’ingenré ?

    Je suis partii de principes qui me tenaient à cœur, pour ensuite procéder par essaie-réajustement :

    À li départ, je voulais que cete soit fluide àlitant à l’écride qu’à l’orèle : j’étais frustréi d’eune impression de décalage, de deux vitesses où les propositions de remise en cause des accords binaires semblaient évoluer plus vite à l’écride. Moi, je voulais vivre ça dans mes conversations de toudes les jours, et aussi, que cet soit commode de passer de l’eune à l’autre. Pour ça, je m’en suis tenui à certanes principes conductorces :

    • utiliser des syllabes qui sont déjà connuis en françaixe. Li principe de l’écriture inclusiwe avec point médiaine, par exemple ne m’a jamais complètement séduide : j’ai l’impression qu’auqueune consensus n’a encore été trouvéi pour savoir si « un.e chomeur.euse » se lit « un chomeur et une chomeuse », « un chomeureuse », une chomeureuse », « un, une chomeureuse » et pendant qu’on se prend li tête là dessus, les chomorzes hors binarité continuent de se morfondre dans l’espace invisibilisande de li non-nomable, et les viailes réacs sont trop contendes de pouvoir jouer aux sauvorzes des pauvres dyslexiques avec cete argument tendui sur eune plateau, trop cadeau. Alors merci pour cete premiare démarche qui a mis eune pied dans li porte (sincèrement. c’était eune révolution), mais non merci pour li suite…
    • rester sur les lettres déjà en usage courande en Françaixe : donc, les 26 lettres, les 3 accents (aiguï, grave, circonflexe) et li trêma sur li « ï ».
    • couper avec li vision binaire, en choisissant des terminaisons qui se démarquaient àlitant de li masculaine que de li féminaine, qui ne soient pas eune somme des deux.
    • et en même temps, je voulais conserver eune parenté avec les terminaisons de départ. En créant eune sorte de parende dont les deux terminaisons binaires pourraient être adelphes. À cete endroit, je suis plus entêtéi que li plupart des autres propositions, qui préfèrent li simplicité.

    Brewe, sur li forme, je voulais rester sur li principe que li françaixe fonctionne principalement sur eune principe phonétique… même si ol a tant de variations qu’on a vite fait de l’oublier ! Donc, trouver eune équilibre entre l’idée que cet qui est écride (et seulement cet qui est écride) est dide : tendre vers de li simplification sur li prononciation et l’écride d’eune côté, et de l’autre : maintenir eune forme de parenté avec les terminaisons et les écritures existandes, toude en posant eune démarquage nede avec les genres binaires… Eune bale jeu d’équilibriste en perspective !

    Eune fois que je me suis mixe à li clare sur ces idées conductorces, (et après avoir repoussé mes viailes fantômes de « ça va être trop compliquéi trop subtile, trop toude, je vais jamais y arriver »), je me suis lancéi dans li pratique : j’ai commencé à lire en modifiant les termes accordéis avec cete qui me venait intuitivement. C’est là que j’ai commencé à toude ingenrer, y compris les termes à accords non motivéis : par simple commodité pour aller plus vite dans mes expériences. À l’usage, j’ai trouvé que ça faisait sens et c’est pour ça que j’ai gardé cete habitude. Mais cet n’était pas man intention de départ de toude ingenrer… J’étais bien de trop peu sûri de moi pour envisager eune chamboulement de cete ampleur !

    J’ai donc noté pendant quelques mois toudes les variations qui me venaient sur les termes qui s’accordent. Ça a été eune phase de déconstruction où j’ai eu l’impression que man cerveau a appris doucement à s’autoriser des choses qui lui étaient inhabituales. Et aussi à ajuster mes essaies sur eune principe que j’énonce souvent aux personnes qui découvrent l’ingenréi ou d’autres langages inclusiwe : ne pas confondre moche et perturbande, laisser li temps de passer li mouvement de rejet dûi à li nouveauté . Eune fois ces barrières mentèles dépasséis, je suis par exemple revenui à des terminaisons auxqueles j’avais pensé assez tôt dans l’élaboration (des fois quasi spontanément), mais en même temps me gênaient à l’oreille les premiares fois. Par exemple : -xe à li place de -s/-se… ça peut frotter sévère dans « françaixe » par exemple : quand c’est nouvale, li cerveau semble se rattacher à cete qu’ol connait déjà, ici li sonorité « sexe ». puis avec l’habitude, on n’entend pas plus « sexe » que « con » dans « compartiment » ou « bite » dans « habiter ».

    Ça a été aussi eune étape d’affinement de mes idées conductorces, ou plus précisément, comment je les suivait. Par exemple, c’était souvent impossible de toudes les respecter à li lettre. Je me faisais des noeuds dans li cerveau, et j’ai décidé de faire confiance à mes goûts en derniare verdict : Par exemple, pour li terminaison ingenréi de -al/-ale j’ai assez vite choisi li sonorité « èl » qui me plaisait bien mais comment l’écrire ? Si je priorisais li simplification j’écrivais -el. Mais ça ressemblait trop à li terminaison existande -el/-elle dans san forme masculaine. Pourquoi pas -ele ? ou -èle ? Ça m’évoquait plus li féminaine, mais ça me plaisait plus : ça me faisais comme eune sorte d’adelphité dans li statut de sexiséi remixe en avant. Cete impression d’être plus confortable à privilégier eune parenté plus proche avec li féminaine est d’ailleurs revenui assez souvent. Puis j’ai opté pour -èle par simple goût. Est-cet que les gens auront envie de faire disparaître l’accent ? c’est probable, et c’est d’ailleurs souvent li destiné des accents. Et est-cet si problématique ?

    J’ai aussi changé man approche de li simplification : vous l’avez remarqué, l’ingenréi n’est pas franchement « simple ». (C’est même li proposition li plus complexe de çoles que je connaisse). Mais j’ai décidé de tenter quand même cete proposition. Pendant longtemps, c’était juste eune entêtement, je ne croyais pas trop qu’ol puisse y avoir eune sens derrière, je n’y voyais pas de sens moi-même, je me jugeais même eune peu en me trouvant élitiste. Et en même temps, je me disais qu’ol serait toujours temps de simplifier après coup. En avançant, cete que je faisais intuitivement a commencé à prendre sens : complexe et compliquéi sont deux choses très différendes, et j’ai eu assez vite l’impression que quelque chose de complexe mais harmonieuxe peut être beaucoup moins compliquéi à assimiler que quelque chose de simple mais dont li forme provoque eune heurt qui peut bloquer. Je vais y revenir.

    À li bout d’eune moment, j’ai fini par avoir eune impression de stabilité : mes préférences me venaient spontanément, et je voyais des formes qui se dégageaient. C’est à cete moment là seulement que j’ai énoncé les règles, en faisant li trie sur les formes qui se dégageaient. J’ai été assez surprixe que toude tienne en si peu de règles, à vrai dire. Et surtoude, j’ai galéré à énoncer des règles qui reprennent quelque chose dont li pratique commençait à m’être instinctiwe.

    C’est pour cetlà que je tiens à cete distinction entre simplicité et facilité :

    Li françaixe n’est pas eune langue simple : ol y a beaucoup de termes qui s’accordent, ol y a des fois où ça s’accorde, des fois pas (les fameuxes règles infernèles des participes passéis après les auxiliaires…), ol y a eune foisonnement de temps verbèles, etc. Si on ajoute l’écride, en plus ol y a eune nombre d’options hallucinande pour écrire eune même son (o, ô, eau, au… en, an, am, em… el, elle, èle…), des lettres dont li prononciation change en fonction de li place (« c » dans place, dans planche ou dans placard), li toude pimentéi par eune certane nombre de lettres muedes (e de fin de mot, s de li pluriale, et des plus fantaisistes comme clef, même si li réforme de l’orthographe a fait li ménage) Mais si on s’en tient à l’orèle, l’immense majorité des personnes que je connais dont c’est li langue maternale ne se trompent quasiment jamais quand ol s’agit de dire que « Justine est heureuse », et « Justin est heureux » : eune bône partie des règles que l’on applique en parlant semblent s’appliquer de façon complètement inconsciende (c’est d’ailleurs pour ça que pour trouver si on met eune « e » ou eune « s » muède aux participes passéis, nos instit’ nous recommandaient d’utiliser eune participe dont li prononciation change : « tu dirais  je l’ai pris ou je l’ai prise ? ») li plupart de li temps, quand li différence est audible, beaucoup de personnes en on pris l’habitude spontanément… à tele point que si Justine demande à être accordéi à li masculaine, les gens galèrent à modifier cete habitude tant qu’ols n’ont pas déconstruide l’image de genre qu’ols avaient de Justine.

    Et c’est sur cete capacité que j’ai voulu me baser, bien plus que sur li capacité d’apprendre consciemment eune règle et l’appliquer consciement. C’est pour ça que je mise beaucoup sur l’idée de faire beaucoup d’écrides et de voquèles en ingenréi : que les gens apprennent par immersion sur des sujets qui les intéressent plutôt qu’en se penchant sur des règles de grammaire qui li majore partie d’entre ols trouveront chiandes… En ne demandant qu’aux quelques eunes que ça botte de vraiement apprendre ces règles, pour faire partie de çoles qui vont immerger les autres.

    Bien sûri, quand je dis li plupart, beaucoup, etc. j’oublie de li monde. Ol y a des personnes pour qui ça ne restera probablement compliquéi dans toudes les cas. J’ai essayé àlitant que possible de prendre en considération ces personnes, et en même temps, je reste eune personne néi, éduquéi et scolariséi en milieu francophone, et non dys qui a bossé dans san coin : man proposition reste sûrement trop complexe à l’écride. En attendant d’avoir des pistes d’amélioration des personnes concernéis, j’ai posé eune choix réversible en considérant que, tant qu’on déconstruit l’idée qu’ol n’y a pas de grantes pontes auxqueles on prête li pouvoir obscuri de choisir pour nous cete qui est li « bon français », et si on se donne li peine de remarquer qu’on n’a plus d’instit’ pour nous donner de sales notes et des parents pour nous désaimer en recevant li bulletin (compassion pour çoles pour qui c’est encore li cas… ), c’est toujours plus facile de simplifier que de complexifier. D’ailleurs, ol semblerait que cete soit eune tendance fréquende des langues d’éliminer les complexités dès qu’ols ne servent à rien (comme li dispartion de « ne » dans les phrases négatiwes en « ne… pas » puisque « pas » suffit : on dit « je sais pas », on dit rarement « je ne sais pas » sauf quand on chante de li Balavoine… ou que ça nous sert de marquorze socièle)

    En disant plus haude « cete qui me venait intuitivement », je vois que c’est omettre que j’ai été largement influencé par cete qui se faisait déjà dans man entourage et dans mes lectures/audios  :

    • j’ai par exemple gardé li logique de « copaine », mot qui était déjà courande chez certanes copaines (justement) pour remplacer -in/-ine.
    • Les terminaisons en « i », et en « x » sont déjà courandes mais j’en ai fait eune usage différende. C’est d’ailleurs intéressande à développer pour li suite :

    Pour li x, on li retrouvaient sous plusieurs formes : en option 3 dans des terminaisons utilisant li point médian comme dans chomeur.euse.x (? je crois… j’ai vu planes de formes différendes… et si vous avez suivi, vous devinez que ça m’a pas séduide… trop de points qu’on sait pas comment dire). Man usage se rapproche plus de li proposition d’Alpheratz, sans point, et qui peut se prononcer. Mais san usage relativement élargii venait contrarier man envie de garder des parentées de terminaison.

    Li « i » fait partie d’eune proposition qui présente l’avantage d’être d’eune simplicité défiant toude concurence : çole de mettre des i pour toudes les mots qui désignent des personnes/êtres vivandes de sexes binaires qui s’accordent (on peut aussi mettre des i aux termes à accords non motivéi, mais cete n’était pas l’intention de départ.). C’est eune peu li transposition de li méthode espagnôle… qui marche super bien dans eune langue où quasi toudes les masculaines finissent en « o » et les féminaines en « a »… on remplace par « e » et hop ! li tour est jouéi… sauf que moi, j’étais frustréi encore et encore sur cete envie de parenté de terminaison… Et eune autre obstacle que je trouve à li terminaison en « i », c’est qu’ol ralonge li mot d’eune syllable. Et là, ça vient ajouter eune autre point de réflexion qui m’a guidé dans man construction :

    On arrive à li stade où j’ai commencé à parler en ingenréi avec des gens. je veux dire avec d’autres gens que moi. Déjà, je tiens à préciser que là aussi, ça a été eune sacréi exercice de déconstruction et d’auto-empouvoirement : je me suis vui pendant lonqtemps bafouiller, prononcer bizarrement, renoncer à dire par peur, avoir eune prononciation forcéi quand je m’opposais en force à cete peur, etc. ça m’a prixe plusieurs mois là encore pour oser li dire, ou pour renoncer calmement et en connaissance de cause plutôt que par peur quand je considérais que li démarche n’était pas safe ou que li jeu n’en vallait pas li chandèle.

    Dans les conversations que je commençais à avoir, j’ai vite trouvé que mes interlocutorces semblaient beaucoup plus choquéis quand li modification consistait à allonger les mots. Or, si j’ai lâché depuis lonqtemps l’idée d’éviter à toude prix de les choquer, je remarque que, quand même, quand ols sont trop choquéis, on les perd vite… dommage quand man envie de fond c’est d’être en lien. Et bizarrement, c’est souvent cete que je cherche quand je converse. (oui, ça vaut li peine de li rappeler, on a tendance à oublier cete intention…). Donc, c’était frustrande. alors j’ai appris que li dose de « choc » à envoyer était variable. et à traquer cete qui choquait moins.

    Cete observation m’a d’ailleurs conforté dans man intuition d’utiliser des terminaisons parendes : souvent, maintenant que j’aie plus cete comportement bizarre dûi à li peur, ça passe crème, les gens prennent ça pour eune sorte d’accent ou eune sorte de défaut de prononciation, et li conversation suit san cour. À quoi bône, alors, parler eune langage différende si personne ne fait li différence, vous allez me dire ? Là, j’utilise li même principe que l’ennemii : li pub. Infiltrer li cerveau plutôt que convaincre. Devenir quelque chose qui fait partie de li décore, qui va de soit plutôt que de pousser les arguments d’achat les eunes après les autres. Eh oui, ça fait eune peu réfléchir, et ça donne des scrupules. Et en même temps, cete à quoi j’avais envie de familiariser les gentes me semblait légitime : j’existe, donc j’ai li droit d’être mixe en mots. On existe en dehors de nos genres, donc j’ai li droit de mettre cete idée en mot. Je li vois sur moi : copaines, par exemple : je ne l’ai pas adopté parce qu’on m’a convaincu que dire copaines c’était mieux. Je l’ai adopté parce qu’à force de l’entendre, ça m’est devenui familiare. Pareil, j’ai beaucoup ralé sur li point médiaine, mais ol m’est devenui familiare à force de li voir, et eune bône partie de man rejet de départ s’est atténué. Idem pour l’usage de « une personne » plutôt qu’ »un gars/une meuf » : j’ai été convaincui assez rapidement que parler de « personnes » correspondait mieux à mes valeurs, mais l’automatisme est resté lonqtemps. J’ai eu l’impression que fréquenter des gens chez qui ça devenait l’usage courande a été beaucoup plus soutenande pour changer cete automatisme que des mois à me forcer.

    C’est pour ça que je n’ai gardé li « i » qu’après les voyelles : l’impression de rallongement passe plus discrètement, ça fait comme eune voyelle glissande, comme « oi » qui fait eune somme de ou+a sans être plus lonque q’eune seuli voyelle. Ça passait pour eune variation personnale de prononciation, et en même temps, eune forme nouvale était véridiquement émergéi, et coexistande avec des formes qui bousculent moins à l’orèle. « man nouvale amii a été contende de vous rencontrer », prononcéi avec naturale, va beaucoup moins faire bugger que « mi nouveli amii  etait contenti de vous rencontrer ». Quand j’ai commencé à prendre de l’assurance, j’ai pu observer que les personnes ne bronchent même plus et continuent li conversation tele qu’ol, san surprise qui les met pas dans ces états de choque où ols ne sont plus en mesure de suivre, où li conversation va tourner sur eune débat sur l’utilité de cete façon de parler sur li base qu’ols trouvent ça bousculande. En prenant li partie d’eune changement eune peu plus « parende » dont les sonorités passent comme ça, l’air de rien avec fluidité, en générèle, soit les personnes me posent des questions parce qu’ols sont dans eune état d’ouverture d’esprit et de curiosité propice à accepter man proposition de langage, soit ols ne me posent pas de question et ne comprennent après coup, « aaaah c’était donc ça ! » quand moi je décide d’en parler. Et là aussi, si je décide d’en parler, je peux décider quand je sens qu’ols sont dans eune disposition de curiosité vis à vis de moi, et qu’ols vont l’aborder avec ouverture. Je trouve cete façon de faire beaucoup plus fluide et agréable pour toude li monde. Avec les autres, et ols sont nombreuxes, on n’en parle pas et tant pis : je considère que je ne fais qu’économiser man énergie. Ça tombe bien, j’en ai besoin, parce que quand je sais que l’écriture inclusiwe a mixe eune demi siècle pour prendre li place qu’ol a actuellement, je me dis qu’ol vaut mieux que je parte en petide foulée réguliare qu’en sprint.

    Après coup, je vois aussi les limites de cete logique à l’écride :

    Déjà, je voulais aller dans li sens d’eune simplification, et ça ne va pas très loin. À li moment de li création, je croyais qu’avoir des syllabes déjà connuis perturberaient moins les gens. À l’usage, je vois qu’ol y a de groxes disparités mais que finalement, pour quelques eunes qui n’ont pas besoin de se faire dire deux fois que « ça se prononce comme ça s’écrit », chez beaucoup d’autres, cete qui semble se passer ressemble plutôt à : « pas li peine de me dire que cete syllabe existe déjà, l’ensemble m’est inconnui alors je bugge ». Comment lever cete tendance à li bugge devant li nouvale mot écride ? là, man boîte à outils demande encore à se roder… Vos pistes sont bienvenuis !

    Je suis partii de principes qui me tenaient à cœur, pour ensuite procéder par essaie-réajustement :

    Au départ, je voulais que ce soit fluide autant à l’écrit qu’à l’oral : j’étais frustréi d’une impression de décalage, de deux vitesses où les propositions de remise en cause des accords binaires semblaient évoluer plus vite à l’écrit. Moi, je voulais vivre ça dans mes conversations de toudes les jours, et aussi, que ce soit commode de passer de l’un à l’autre. Pour ça, je m’en suis tenui à certanes principes conductorces :

    • utiliser des syllabes qui sont déjà connues en français. Le principe de l’écriture inclusive avec point médian, par exemple ne m’a jamais complètement séduide : j’ai l’impression qu’aucun consensus n’a encore été trouvé pour savoir si « un.e chomeur.euse » se lit « un chomeur et une chomeuse », « un chomeureuse », une chomeureuse », « un, une chomeureuse » et pendant qu’on se prend la tête là dessus, les chomorzes hors binarité continuent de se morfondre dans l’espace invisibilisant du non-nomable, et les vieux et vieilles réacs sont trop content.es de pouvoir jouer aux sauveur.euses des pauvres dyslexiques avec cet argument tendu sur eune plateau, trop cadeau. Alors merci pour cette première démarche qui a mis un pied dans la porte (sincèrement. c’était une révolution), mais non merci pour la suite…
    • rester sur les lettres déjà en usage courant en Françaixe : donc, les 26 lettres, les 3 accents (aigü, grave, circonflexe) et le trêma sur le « ï ».
    • couper avec la vision binaire, en choisissant des terminaisons qui se démarquaient autant du masculin que du féminin, qui ne soient pas une somme des deux.
    • et en même temps, je voulais conserver une parenté avec les terminaisons de départ. En créant une sorte de parent dont les deux terminaisons binaires pourraient être soeurs. À cet endroit, je suis plus entêtéi que la plupart des autres propositions, qui préfèrent la simplicité.

    Bref, sur la forme, je voulais rester sur le principe que le français fonctionne principalement sur un principe phonétique… même si il a tant de variations qu’on a vite fait de l’oublier ! Donc, trouver un équilibre entre l’idée que ce qui est écrit (et seulement ce qui est écrit) est dit : tendre vers de la simplification sur la prononciation et l’écrit d’un côté, et de l’autre : maintenir une forme de parenté avec les terminaisons et les écritures existantes, tout en posant un démarquage net avec les genres binaires… Un beau jeu d’équilibriste en perspective !

    Une fois que je me suis mixe au claire sur ces idées conductrices, (et après avoir repoussé mes vieux fantômes de « ça va être trop compliqué trop subtile, trop tout, je vais jamais y arriver »), je me suis lancé dans la pratique : j’ai commencé à lire en modifiant les termes accordés avec ce qui me venait intuitivement. C’est là que j’ai commencé à tout ingenrer, y compris les termes à accords non motivés : par simple commodité pour aller plus vite dans mes expériences. À l’usage, j’ai trouvé que ça faisait sens et c’est pour ça que j’ai gardé cette habitude. Mais ce n’était pas mon intention de départ de tout ingenrer… J’étais bien de trop peu sûri de moi pour envisager un chamboulement de cette ampleur !

    J’ai donc noté pendant quelques mois toutes les variations qui me venaient sur les termes qui s’accordent. Ça a été une phase de déconstruction où j’ai eu l’impression que mon cerveau a appris doucement à s’autoriser des choses qui lui étaient inhabituelles. Et aussi à ajuster mes essaies sur un principe que j’énonce souvent aux personnes qui découvrent l’ingenré ou d’autres langages inclusifs : ne pas confondre moche et perturbant, laisser le temps de passer le mouvement de rejet dû à la nouveauté . Une fois ces barrières mentales dépassées, je suis par exemple revenui à des terminaisons auxquelles j’avais pensé assez tôt dans l’élaboration (des fois quasi spontanément), mais en même temps me gênaient à l’oreille les premières fois. Par exemple : -xe à la place de -s/-se… ça peut frotter sévère dans « françaixe » par exemple : quand c’est nouveau, le cerveau semble se rattacher à ce qu’il connait déjà, ici la sonorité « sexe ». puis avec l’habitude, on n’entend pas plus « sexe » que « con » dans « compartiment » ou « bite » dans « habiter ».

    Ça a été aussi une étape d’affinement de mes idées conductrices, ou plus précisément, comment je les suivait. Par exemple, c’était souvent impossible de toutes les respecter à la lettre. Je me faisais des noeuds dans le cerveau, et j’ai décidé de faire confiance à mes goûts en dernier verdict : Par exemple, pour la terminaison ingenrée de -al/-ale j’ai assez vite choisi la sonorité « èl » qui me plaisait bien mais comment l’écrire ? Si je priorisais la simplification j’écrivais -el. Mais ça ressemblait trop à la terminaison existante -el/-elle dans sa forme masculine. Pourquoi pas -ele ? ou -èle ? Ça m’évoquait plus le féminin, mais ça me plaisait plus : ça me faisais comme une sorte d’adelphité dans le statut de sexiséi remis en avant. Cette impression d’être plus confortable à privilégier une parenté plus proche avec le féminin est d’ailleurs revenue assez souvent. Puis j’ai opté pour -èle par simple goût. Est-ce que les gens auront envie de faire disparaître l’accent ? c’est probable, et c’est d’ailleurs souvent la destiné des accents. Et est-ce problématique ?

    J’ai aussi changé mon approche de la simplification : vous l’avez remarqué, l’ingenré n’est pas franchement « simple ». (C’est même la proposition la plus complexe de celles que je connaisse). Mais j’ai décidé de tenter quand même cette proposition. Pendant longtemps, c’était juste un entêtement, je ne croyais pas trop qu’il puisse y avoir une bonne idée derrière, je n’y voyais pas de sens moi-même, je me jugeais même un peu en me trouvant élitiste. Et en même temps, je me disais qu’ol serait toujours temps de simplifier après coup. En avançant, ce que je faisais intuitivement a commencé à prendre sens : complexe et compliqué sont deux choses très différentes, et j’ai eu assez vite l’impression que quelque chose de complexe mais harmonieux peut être beaucoup moins compliqué à assimiler que quelque chose de simple mais dont la forme provoque un heurt qui peut bloquer. Je vais y revenir.

    Au bout d’un moment, j’ai fini par avoir une impression de stabilité : mes préférences me venaient spontanément, et je voyais des formes qui se dégageaient. C’est à ce moment-là seulement que j’ai énoncé les règles, en faisant le trie sur les formes qui se dégageaient. J’ai été assez surprixe que tout tienne en si peu de règles, à vrai dire. Et surtout, j’ai galéré à énoncer des règles qui reprennent quelque chose dont la pratique commençait à m’être instinctive.

    C’est pour celà que je tiens à cette distinction entre simplicité et facilité :

    Le français n’est pas une langue simple : ol y a beaucoup de termes qui s’accordent, ol y a des fois où ça s’accorde, des fois pas (les fameuses règles infernales des participes passés après les auxiliaires…), ol y a un foisonnement de temps verbaux, etc. Si on ajoute l’écrit, en plus ol y a un nombre d’options hallucinant pour écrire un même son (o, ô, eau, au… en, an, am, em… el, elle, èle…), des lettres dont la prononciation change en fonction de la place (« c » dans place, dans planche ou dans placard), le tout pimenté par un certain nombre de lettres muètes (e de fin de mot, s du pluriel, et des plus fantaisistes comme clef, même si la réforme de l’orthographe a fait le ménage) Mais si on s’en tient à l’oral, l’immense majorité des personnes que je connais dont c’est la langue maternelle ne se trompent quasiment jamais quand ol s’agit de dire que « Justine est heureuse », et « Justin est heureux » : une bonne partie des règles que l’on applique en parlant semblent s’appliquer de façon complètement inconsciente (c’est d’ailleurs pour ça que pour trouver si on met un « e » muèt aux participes passés, nos instit’ nous recommandaient d’utiliser un participe dont la prononciation change : « tu dirais  je l’ai pris ou je l’ai prise ? ») la plupart du temps, quand la différence est audible, beaucoup de personnes en on pris l’habitude spontanément… à tel point que si Justine demande à être accordé au masculin, les gens galèrent à modifier cette habitude tant qu’ols n’ont pas déconstruits la représentation de genre qu’ols avaient sur Justine.

    Et c’est sur cette capacité que j’ai voulu me baser, bien plus que sur la capacité d’apprendre consciemment une règle et l’appliquer consciement. C’est pour ça que je mise beaucoup sur l’idée de faire beaucoup d’écrits et de vocaux en ingenré : que les gens apprennent par immersion sur des sujets qui les intéressent plutôt qu’en se penchant sur des règles de grammaire qui la majeure partie d’entre ols trouveront chiantes… En ne demandant qu’aux quelques eunes que ça botte de vraiement apprendre ces règles, pour faire partie des gens qui vont immerger les autres.

    Bien sûr, quand je dis « la plupart, beaucoup », etc. j’oublie du monde. Ol y a des personnes pour qui ça ne restera probablement compliqué dans tous les cas. J’ai essayé autant que possible de prendre en considération ces personnes, et en même temps, je reste une personne néi, éduquéi et scolariséi en milieu francophone, et non dys, qui a bossé dans son coin : ma proposition reste sûrement trop complexe à l’écrit. En attendant d’avoir des pistes d’amélioration des personnes concernéis, j’ai posé un choix réversible en considérant que, tant qu’on déconstruit l’idée qu’ol n’y a pas de grands pontes auxqueltes on prête le pouvoir obscur de choisir pour nous ce qui est le « bon français », et si on se donne la peine de remarquer qu’on n’a plus d’instit’ pour nous donner de sales notes et des parents pour nous désaimer en recevant le bulletin (compassion pour çoles pour qui c’est encore le cas… ), c’est toujours plus facile de simplifier que de complexifier. D’ailleurs, ol semblerait que ce soit une tendance fréquente des langues d’éliminer les complexités dès qu’elles ne servent à rien (comme la dispartion de « ne » dans les phrases négatives en « ne… pas » puisque « pas » suffit : on dit « je sais pas », on dit rarement « je ne sais pas » sauf quand on chante du Balavoine… ou que ça nous sert de marqueur social)

    En disant plus haut « ce qui me venait intuitivement », je vois que c’est omettre que j’ai été largement influencé par ce qui se faisait déjà dans mon entourage et dans mes lectures/audios  :

    • j’ai par exemple gardé la logique de « copaine », mot qui était déjà courant chez certanes copaines (justement) pour remplacer -in/-ine.
    • Les terminaisons en « i », et en « x » sont déjà courants mais j’en ai fait un usage différent. C’est d’ailleurs intéressant à développer pour la suite :

    Pour le « x », on le retrouvaient sous plusieurs formes : en option 3 dans des terminaisons utilisant le point médian comme dans chomeur.euse.x (? je crois… j’ai vu planes de formes différendes… et si vous avez suivi, vous devinez que ça m’a pas séduide… trop de points qu’on sait pas comment dire). Mon usage se rapproche plus de la proposition d’Alpheratz, sans point, et qui peut se prononcer. Mais son usage relativement élargi venait contrarier mon envie de garder des parentées de terminaison.

    Le « i » fait partie d’une proposition qui présente l’avantage d’être d’une simplicité défiant toute concurence : celle de mettre des i pour tous les mots qui désignent des personnes/êtres vivandes de sexes binaires qui s’accordent (on peut aussi mettre des i aux termes à accords non motivé, mais ce n’était pas l’intention de départ.). C’est un peu la transposition de la méthode espagnole… qui marche super bien dans une langue où quasi tous les masculins finissent en « o » et les féminins en « a »… on remplace par « e » et hop ! le tour est joué… sauf que moi, j’étais frustréi encore et encore sur cette envie de parenté de terminaison… Et un autre obstacle que je trouve à la terminaison en « i », c’est qu’elle ralonge souvent le mot d’une syllable. Et là, ça vient ajouter un autre point de réflexion qui m’a guidé dans ma construction :

    On arrive au stade où j’ai commencé à parler en ingenré avec des gens. je veux dire avec d’autres gens que moi. Déjà, je tiens à préciser que là aussi, ça a été un sacré exercice de déconstruction et d’auto-empouvoirement : je me suis vui pendant lonqtemps bafouiller, prononcer bizarrement, renoncer à dire par peur, avoir une prononciation forcée quand je m’opposais en force à cette peur, etc. ça m’a pris plusieurs mois là encore pour oser le dire, ou pour renoncer calmement et en connaissance de cause plutôt que par peur quand je considérais que la démarche n’était pas safe ou que le jeu n’en vallait pas la chandèle.

    Dans les conversations que je commençais à avoir, j’ai vite trouvé que mes interlocutorces semblaient beaucoup plus choquéis quand la modification consistait à allonger les mots. Or, si j’ai lâché depuis lonqtemps l’idée d’éviter à tout prix de les choquer, je remarque que, quand même, quand ols sont trop choquéis, on les perd vite… dommage quand mon envie de fond c’est d’être en lien. Et bizarrement, c’est souvent ce que je cherche quand je converse. (oui, ça vaut la peine de le rappeler, on a tendance à oublier cette intention…). Donc, c’était frustrant. alors j’ai appris que la dose de « choc » à envoyer était variable. et à doser mes chocs.

    Cette observation m’a d’ailleurs conforté dans mon intuition d’utiliser des terminaisons parentes : souvent, maintenant que j’aie plus ce comportement bizarre dû à la peur, ça passe crème, les gens prennent ça pour une sorte d’accent ou une sorte de défaut de prononciation, et la conversation suit son cour. À quoi bon, alors, parler une langage différente si personne ne fait la différence, vous allez me dire ? Là, j’utilise le même principe que l’ennemi : la pub. Infiltrer le cerveau plutôt que convaincre. Devenir quelque chose qui fait partie du décore, qui va de soit plutôt que de pousser les arguments d’achat les uns après les autres. Eh oui, ça fait un peu réfléchir, et ça donne des scrupules. Et en même temps, ce à quoi j’avais envie de familiariser les gens me semblait légitime : j’existe, donc j’ai le droit d’être mixe en mots. On existe en dehors de nos genres, donc j’ai le droit de mettre cette idée en mot. Je le vois sur moi : copaines, par exemple : je ne l’ai pas adopté parce qu’on m’a convaincu que dire copaines c’était mieux. Je l’ai adopté parce qu’à force de l’entendre, ça m’est devenu familier. Pareil, j’ai beaucoup ralé sur le point médian, mais il m’est devenu familier à force de le voir, et une bonne partie de mon rejet de départ s’est atténué. Idem pour l’usage de « une personne » plutôt qu’ »un gars/une meuf » : j’ai été convaincu assez rapidement que parler de « personnes » correspondait mieux à mes valeurs, mais l’automatisme est resté lonqtemps. J’ai eu l’impression que fréquenter des gens chez qui ça devenait l’usage courant a été beaucoup plus soutenant pour changer cet automatisme que des mois à me forcer.

    C’est pour ça que je n’ai gardé le « i » qu’après les voyelles : l’impression de rallongement passe plus discrètement, ça fait comme une voyelle glissante, comme « oi » qui fait une somme de ou+a sans être plus longue q’une seule voyelle. Ça passait pour une variation personnelle de prononciation, et en même temps, une forme nouvelle était véridiquement émergée, et coexistante avec des formes qui bousculent moins à l’oral. « man nouvale amii a été contende de vous rencontrer », prononcé avec naturel, va beaucoup moins faire bugger que « mi nouveli amii  etait contenti de vous rencontrer ». Quand j’ai commencé à prendre de l’assurance, j’ai pu observer que les personnes ne bronchent même plus et continuent li conversation telle qu’elle, sans surprise qui les met pas dans ces états de choc où ols ne sont plus en mesure de suivre, où la conversation va tourner sur un débat sur l’utilité de cette façon de parler sur la base qu’ols trouvent ça bousculant. En prenant le parti d’un changement un peu plus « parent » dont les sonorités passent comme ça, l’air de rien avec fluidité, en général, soit les personnes me posent des questions parce qu’ols sont dans un état d’ouverture d’esprit et de curiosité propice à accepter ma proposition de langage, soit ols ne me posent pas de question et ne comprennent qu’après coup, « aaaah c’était donc ça ! » quand moi je décide d’en parler. Et là aussi, si je décide d’en parler, je peux choisir quand je sens qu’ols sont dans une disposition de curiosité, et qu’ols vont l’aborder avec ouverture. Je trouve cette façon de faire beaucoup plus fluide et agréable pour tout le monde. Avec les autres, et ols sont nombreuxes, on n’en parle pas et tant pis : je considère que je ne fais qu’économiser mon énergie. Ça tombe bien, j’en ai besoin, parce que quand je sais que l’écriture inclusive a mixe un demi siècle pour prendre la place qu’elle a actuellement, je me dis qu’ol vaut mieux que je parte en petite foulée régulière qu’en sprint.

    Après coup, je vois aussi les limites de cette logique à l’écrit :

    Déjà, je voulais aller dans le sens d’une simplification, et ça ne va pas très loin. Au moment de la création, je croyais qu’avoir des syllabes déjà connues perturberaient moins les gens. À l’usage, je vois qu’ol y a de grosses disparités mais que finalement, pour quelques uns qui n’ont pas besoin de se faire dire deux fois que « ça se prononce comme ça s’écrit », chez beaucoup d’autres, ce qui semble se passer ressemble plutôt à : « pas li peine de me dire que cette syllabe existe déjà, l’ensemble m’est inconnu alors je bugge ». Comment lever cette tendance au bugge devant le nouveau mot écrit ? là, ma boîte à outils demande encore à se roder… Vos pistes sont bienvenues !